Les guides et la mer , part 1 : Week-end à la Rochelle avec le Yachtclub classique.

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Week-end à la Rochelle

Il est 6h du matin, le réveil sonne.

Voilà quelques semaines que la saison de guide est terminée mais on se fait vite au fait de ne plus se lever aux aurores. Ceci dit, quand l’habitude de l’été était de s’extirper de sa couchette en vitesse à 2 ou 3h du matin pour jeter ses affaires dans le sac et retrouver ses clients autour d’une tranche de pain et d’un bol de thé , 6h du matin à la maison et avec un bon café, c’est déjà du luxe.

Je retrouve Eric et nous prenons la route ensemble après avoir récupéré Bruno et sa femme dans leur chalet un peu plus bas dans la vallée. La voiture sent le reblochon autant qu’une ferme d’alpage et dans les virages,elle fait un drôle de bruit de verre !

C’est presque 10h de route qui nous attendent et pourtant nous sommes heureux comme des gamins. Mes amis et collègues ont l’habitude de ce petit pèlerinage et eux sont déjà un peu marins, d’eau douce certes mais marins tout de même. Moi, je n’y connais rien et jusqu’à il y a peu je n’avais d’yeux que pour la montagne. Mais comme beaucoup de montagnards, le temps passant, je lui fais de plus en plus d’infidélités. J’ai besoin désormais, au moins quelques jours par an d’avoir un horizon tendu, parfaitement horizontal et de sentir l’iode dans les embruns et la vase des vieux ports.

 

 

Cela fait presque un an et demi que je n’ai pas quitté la vallée, saison d’été, saison d’hiver, les travaux sur la maison, les enfants et la famille. La vie nous aspire et le temps file comme défilent derrière la vitre les clochers des villages, les vaches, les arbres et les routes de campagne. Nous nous côtoyons souvent, au bureau des guides ou sur les sommets mais nous ne nous connaissons pas vraiment en fait. Cette parenthèse nous permet d’évoquer nos parcours, nos vies et de refaire un peu le monde, notre petit monde de la montagne. Les heures s’égrainent, elles passent vite, presque trop, comme un soir d’hiver avec un bon bouquin. La discussion est encore bien animée quand nous arrivons aux Sables d’Olonne ou nous attend Jean-Thierry. Ce soir il nous accueille sur son bateau, Rouvelon, un maïca de 11m. C’est déjà grand me direz-vous mais quand on n’a pas l’habitude et qu’on se retrouve dedans à cinq après toute une journée dans une voiture, on se sent un peu à l’étroit. Et en plus, ça bouge !Pourtant, je dormirai comme un bébé ! Peut-être parce que j’ai eu droit à la couchette du capitaine.

Une douche à la capitainerie, croissants et café serré sur le port et nous voilà partis pour un minimum de 6h de navigation. Il y a pas mal de manœuvres à faire pour sortir du port et je ne comprends pas un traître mot de ce que raconte Jean-Thierry. Quel est donc ce langage ? Je me sens aussi utile à bord qu’une poule avec un couteau. Je laisse faire  Eric et Bruno qui semblent comprendre tant bien que mal tous ces mots bizarres sortis d’un vieux film de pirates. J’aurais voulu me mettre debout et crier un truc du genre « souquez les artimuses ! » mais je reste bien gentiment assis dans un coin et laisse faire les personnes compétentes. Nous avons tellement l’habitude d’être l’expert, le référent que ça me fait tout drôle de me sentir aussi perdu et inutile. En même temps, quel plaisir de découvrir, d’apprendre à nouveau, d’observer, comme dans les premières minutes d’un premier amour.

Tout comme hier, nous nous retrouvons tous coincés dans un petit espace pendant des heures. Mais cette fois-ci sur une machine en bois et les cheveux aux vents. Alors, naturellement, les discussions reprennent, elles naviguent, depuis les hauts sommets jusqu’aux creux des vagues. J’aurai même le droit à mon moment de gloire, quelques minutes tout au plus à tenir la barre ! Nous longeons l’île de Ré jusqu’à ce que se dessine au loin le pont qui la relie au continent puis passons dessous pour rejoindre La Rochelle, son port de plaisance, le plus grand d’Europe, et son musée maritime qui accueille notre bateau pour la nuit.

Nous retrouvons nos collègues partis plus tard hier et qui eux ont fait escale dans la Creuse ainsi que nos amis marins du Yacht Club Classique. Le Club House se trouve à l’entrée du port historique dans l’ancienne maison du corps des douanes, mise à disposition par la mairie et rénovée par l’association grâce au soutien de ses partenaires. S’en suit une soirée bien agréable autour de quelques verres et de spécialités locales qui nous permettent de faire connaissance. Les guides sont répartis sur les bateaux, rencontrent leur skipper et recevront également quelques cadeaux. Quel accueil !

La journée du lendemain verra partir la flotte vers l’ile de Ré mais le vent n’étant pas vraiment au rendez-vous, nous nous arrêterons au mouillage au large de La Flotte en Ré. La mer calme permet aux bateaux de s’amarrer entre eux et de partager ainsi un repas copieux et arrosé à base de spécialités d’ici et de chez nous.

De retour au port, c’est en bus que tous les participants à ce Rallye des Pertuis se rendront sur le domaine de la Massonne à la Gripperie. C’est dans cet endroit magnifique que notre ami Jean-Michel Bénier, peintre, écrivain et initiateur de ce rapprochement mer-montagne nous accueille. Lui et sa femme ont fait de ce « logis noble » du 17eme  une résidence d’artiste et du domaine qui l’entoure une réserve naturelle. Quel plaisir que de se promener sur ce domaine et de découvrir au détour d’un chemin ces œuvres inspirées et crées à partir de la nature qui les entoure. Les rencontres et les discussions reprennent leur cours pendant le vernissage. L’heure tourne, nous rentrons tous sur la Rochelle retrouver nos bateaux et nos couchettes mais certains se sont un peu perdus en route et nous ne les retrouverons qu’au petit matin……

« Bonjour Sarah, tu te lèves toi aussi ?

Non, je me couche……

…….ah bon?! »

 

 

 

Le lendemain nous profitons du vent un peu plus soutenu pour faire une belle navigation vers l’ile d’Aix et faire un déjeuner rapide au mouillage et un retour dans la « pétolle ». Les marins nous ont tout de même réservé une petite surprise avant le grand départ ; un cours de godille ! Mais attention pas celle ou on serre les pieds et on remue les fesses pour faire de beaux virages dans la poudreuse. Sur cette barque à fond plat, il s’agit plutôt de bien agiter les poignets pour manœuvrer en douceur la rame placée sur l’arrière et faire avancer le machin. Ce truc est tellement instable que je me demande si ça sert vraiment à quelque chose ou simplement à se moquer des touristes que nous sommes. Ce serait un peu notre dahu en quelque sorte. En tout cas on aura bien ri avant de reprendre la route.

Ce fut un formidable week-end dont je retiendrai le partage, la découverte et l’amitié. Nous sommes bien chanceux, marins ou montagnards d’avoir une passion. C’est tellement fort de voir l’oeil qui pétille de tous ces personnages qui racontent leurs histoires de vents, de courants, d’arêtes ou de sommets. Nous n’étions pas seuls pourtant, quand je vous entends parler de Ninita, Khayyam, Thalamus, Rose of Risor, La Gaillarde, Dauphin vert et tous les autres bateaux, j’ai l’impression qu’ils sont un peu en vie. Ils le sont peut-être me direz-vous, à leur façon, puisqu’il sont fait de ce matériau vivant  qu’est le bois et que pour vous ils ont une âme.

 

 

Un grand merci à tous et tout particulièrement à Thomas du Payrat qui a organisé cet événement.

A titre personnel, j’ai une pensée toute particulière pour Jean-Jacques Baud qui m’a accueilli sur son bateau et avec qui j’ai partagé de bons moments. Jean-Jacques, j’ai perdu mon grand-père il y a quelques années déjà mais ces moments d’échanges avec toi m’ont replongé dans ces moments bénis de l’enfance. Merci beaucoup d’avoir partagé avec moi ta passion et de m’avoir fait confiance, c’était magique pour moi.

 

 

Bon vent à tous et n’oubliez pas de venir nous voir au printemps !